- Author:
- Morice
- Publication Info:
-
Ithaca, NY:
Cornell University Library,
1875,
pg 387
Text on page 387
VOYAGE EN COCHINCHINE.
387
chan tent toutes les nuits ! On peut assister a Gocong a toutes les manipulations par ou passe le riz, cette base de la nourriture annamite, depuis sa decortication et son vannage jusqua a la fabrication de ces es-peces de crepes transparentes, saupoudrees de grains da anis, dont les gourmets annamites sont si friands.
On peche entre les touffes de riz de nombreux pois-sons, en particulier ces affreux animaux, avec ouies armees de piquants, qui peuvent marcher a terre au i moyen de leurs nageoires plus ou moins rigides. La arroyo est couvert de barques qui toutes, modestes sampans ou vastes jonques, ont a la proue, peint au * milieu ou de chaque cote, un ceil gigantesque.
Voici la legende que Ton raconte a ce propos.
Un des predecesseurs de la empereur Tu-Duc, prenant en consideration les plaintes de ses sujets qui etaient souvent devo-r6s par des crocodiles ou J de gros poissons, rendit 1 un edit par lequel chacun | fut oblige de peindre un ceil a la avant de sa bar- | que, afin, dit le texte naif, 3 quo les monstres des | eaux prissent la barque | pour un etre anime com- J me eux, et ne lui fissent 1 point do mal.
De la autre cote de Far- 1 royo, a quelques centai- 1 nes de pas de la maison | du general, se trouve la j pagode de Gocong, riche | monument religieux, re- | marquable surtout par j ses frcsqucs. A la exte- | rieur, ce sont des nuees * da oiseaux, des monstres varies, des fleurs, etc. A la interieur, on trouve des batailles et des scenes diverses da un caractere plutot profane que religieux. Ces peintures sont tres-curieuses. Malheureusement cette pagode, comme toutes les pagodes de la Cochinchine, regorge de chauves-souris dont 1a odcur pene-trante et les cris aigrelets sont parfaitement desagrea-bles au visiteur.
Quant aux pretres bouddhistes, leur costume et leur port rappellent assez le pope de 1a Eglise grecque (voy. p. 389).
Celui que repr6sente notre gravure, da apres une photographie, porte sur sa main droite une petite statue du Bouddha dans la attitude consacr6e par le Quite de tous les pays qui le v6nerent.
VIII
Depart pour Hatien. a A hord du Vaico. a Les Elephants et le fil telegraphique. a Chaudoc. a Voyage en jonque. a Gienthan.
a Admirables paysages. a Hatien. a Poivriers. a La Venise. Pecheries. a Le limule.
Apres un sejour de trois semaines a Gocong, je revins a la capitale pour completer mes provisions. Je devais, en effet, partir pour Hatien, a la extremite ouest de notre colonie, a plusieurs centaines de kilometres de Saigon. Jepris passage a bord du Vaico, vapeur de la compagnie Larrieu. Grace a notre marche rapide, nous etions le lendemain a midi en face de Vinh-Long.
Cette capitale da une des nouvelles provinces que nous devons au hardi coup de main de Tami-ral La Grandiere ne nous retint pas longtemps, et nous reprimes notre marche vers Chaudoc. En route nous rencontrames un autre bateau de la Compagnie qui revenait a Saigon. Ce bateau, da un plus fort tonnage que le notre, avait A la mauvaise habitude de sa ensabler,A suivant la expression de notre brave capitaine, qui penche sur sa carte, annotee a chaque instant par son 6ternel crayon, defiait tous les bancs de vase ou de sable dumon-de.
Une jeune femme fran-gaise, qui venait habiter Hatien en meme temps que moi, etait montee sur le pont pour admirer le paysage nouveau pour elle, car elle arrivait de France. Son mari, jovial gargon un peu trop ha-bleur, nous faisait de ce point extreme de la basse Cochinchine une description vraiment enchanteresse :
A Hatien-les-Roses, disait-il, est un petit bijou de verdure et de fleurs; de magnifiques pagodes, des col-lines bois^es, lcbloc calcairedu Bonnel-a-Poil, voila de ces choses que la on ne trouve que la! A II oubliait la fievre. Mais du moins sa conversation nous permit da attendre sans impatience la fin de notre voyage. II me raconta les derniers exploits des 6l6phants sur la ligne telegraphique que nous entretenons de Campot a Pnom-Penh, la capitale du Cambodge. Ces nobles animaux, en acces de gaiety, ou plutot avec la haute sapience qui les distingue, avaient trouvA juste et legi-
Pont de Gocong. a _Dtssin de J. Moynet, d'apres 1111 croquis.