- Author:
- Neis, P.
- Publication Info:
-
Ithaca, NY:
Cornell University Library,
1888,
pg 340
Text on page 340
340
LE TOUR DU MONDE.
VII
Conference pr6s de la Porte da Ailoa. a Signature du premier proces-verbal a Kliodien.
Le 24, la route est meilleure jusqua au village de Bak-kat, ou nous arrivons de bonne beure, et ou nous nous installons. A deux kilometres se trouve la Porte de Ghine da Ailoa; les commissaires chinois nous deman-dent de les aecompagner jusque-la: ils doivent aller passer la nuit en Chine, dans un village voisin de la frontiere. Nous continuons done notre route, qui, a partir du village, devient detestable; nous traversons un cours da eau encaisse, puis des fondrieres situees au pied de la colline elevee et escarpee ou se dresse la Porte da Ailoa.
En traversant une fondriere, le cheval de M. Ha'itce roule avec son cavalier, et celui-ci se releve couvert da une boue noire et visqueuse. Nous ne pouvons cependant nous passer en ce moment de M. Ha'itce, qui seul sait le chinois; la situation est delicate, il sa agit do sa entendre sur le premier proces-verbal de delimitation, et depuis deux jours on discute sans resultat sur la maniere dont on designera le lieu ou Vendroit si-tue a cent cinquante metres de la Porte de Chine siw la roule de cette porte a Dong-dang, au point oil cette route est coupee par un ruisseau! On est par-faitement da accord sur la carte pour vouloir designer le meme point, mais les commissaires chinois refusent toutes les manieres dont nous proposons de designer ce lieu, sans vouloir en proposer une eux-memes. Nous sommes obliges de nous demander si nous ne sommes pas dupes, et si toute notre bonne volonte et nospeines aboutiront a faire enfin apposer sur un proces-verbal rasionnable les signatures de nos collegues a cote des notres.
Aussi, sans pouvoir meme selaver la figure, souillee de vase, ce brave M. Ha'itce nous accompagne jusqua au haut de la colline, et la, mouilles tous jusqua a la ceinture, a cause du passage de la riviere, on discute au grancUair, assis sur des bancs de bois pres de la porte, de quatre heures de la apr5s-midi jusqua a la nuit noire. II fait une brise aigue, nous sommes glaces et affames; les commissaires chinois ne se rendent pas; ils nous font servir une soupe chaude de fruits de nenuphar, et enfin, vers huit heures, on arrive a se mettre da accord sur une des manures de designer le point en question, maniere qui depuis deux jours avait ete vingt fois proposde. Nous faisons immediatement un brouil-lon de proces-verbal; nous ferons le soir les deux copies en frangais, ils feront les deux copies en chinois; et Ton se separe transis de froid mais avec la promesse solennelle de signer des le lendemain matin les proces-verbaux.
II fait nuit, il faut redescendre la colline a pic, repasser les fondrieres, traverser la riviere, et cela parait a peu pres impossible; il le faut cependant bien, car nos deux proces-verbaux et les cartes en double doivent etre prets pour le lendemain matin, avant que les
commissaires chinois, qui nous ont fait affirmer par M. Hart et par la ingenieur Li que la accord etait fait, puissent revenir sur leur parole. Heureusement nos chasseurs da Afrique na ont pas perdu leur temps : pendant notre discussion, aides de quelques coolis armes de pelles et de pioches, ils ont place des fascines dans les fondrieres, adouci les pentes abruptes de la riviere, modifie les passages les plus dangereux, et, malgre la nuit noire, nos petits chevaux nous ramenent sans en-combre jusqua au campement.
Nous avions donne rendez-vous aux commissaires chinois, pour le lendemain, au village de Khodien, afin da echanger les proces-verbaux. Ca est une longue operation de verifier les quatre proces-verbaux (deux en frangais et deux en chinois) et les deux cartes, et da y apposer, nous nos signatures, et les commissaires chinois leurs signatures et leurs sceaux.
Sachant bien que nos collegues ne se levent pas de bonne heure, nous ne par tons qua a huit heures du matin, et nous arrivons a neuf heures a Khodien sous une pluie battante. II fait si obscur dans la interieur des quatre ou cinq maisons qui composent ce village, et les chambres nous paraissent tellement sordides, que nous faisons prolonger le toit par quelques vieilles paillotes tout enfumees, que 1a on trouve a granda peine et qui laissent bientot passer de grosses gouttes de pluie. On installe quelques planches pour servir de bancs et de tables sous cet abri improvise, et nos collegues ne tardcnt pas a arriver mouilles, croltes, malgre leurs chaises a porteurs, mais toujours gais, avenants et de bonne humeur.
On se communique reciproquement les proces-ver-baux. Ceux en chinois sont minutieusement verifies par M. Ha'itce, et ceux en langue frangaise, avec les cartes de la Porte de Ghine a la porte da Airo, dont les noms sont a la fois en caracteres frangais et en caractfcres chinois, sont scrupuleusement examines par MM. Hart et Li. On sa ingenie pour abri ter ces precieux papiers des taches da eau souillee de suie qui tombent de tous cotes, mais une tournure de phrase fran^aise de notre proces-verbal dveille les susceptibililes de la ingenieur Li; les commissaires chinois ne signeront pas si Ton ne change ce membre de phrase, qui da ailleurs na a pour nous aucune importance. Le capitaine Bouinais, le meilleur calligraphe parmi nous (le secretaire etait reste avec le president a Dong-dang), recopie les deux proces-verbaux en frangais, et sous une pluie dilu-vienne on arrive vers midi a avoir appose ses signatures sur les premiers proces-verbaux, accompagnes de cartes, de la delimitation du Tonkin. Chaque delegation garde un proces-verbal en chaque langue et une carte, dressee et dessinee par nos officiers topographes, ou tous les noms des points que nous avons vus ensemble sont designes en lettres frangaises et en lettres chinoises. Ga est la une bonne et utile besogne: elle na est pas considerable, il est vrai, mais elle est definitive, ca est un gage pour la avenir; puis elle nous a donne tant de peine, que nous en sommes reellement